Principaux enseignements de l’évaluation et de l’analyse du paysage de la stratégie d’élaboration de politiques fondées sur des données probantes

(Jonathan Torgovnik/Getty Images/Images of Empowerment)

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Depuis 2015, la Fondation Hewlett a constitué un portefeuille de subventions autour de l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes (EIP), dans le cadre plus large du Programme Equité de Genres et Gouvernance (Gender Equity and Governance Program)¹. Ces subventions soutiennent des institutions dans le but d’aider les gouvernements – principalement en Afrique de l’Est et de l’Ouest – à utiliser systématiquement des données probantes pour améliorer les politiques sociales et économiques au fil du temps et, ce faisant, à mieux répondre aux besoins des personnes qu’ils servent.

Plus précisément, l’équipe EIP de la Fondation Hewlett se concentre sur le soutien aux bénéficiaires de subventions intervenant dans trois domaines distincts : l’évaluation d’impact, la révolution et la gouvernance des données, et les groupes de réflexion œuvrant à institutionnaliser et à promouvoir l’utilisation de données probantes par les gouvernements. En se concentrant sur ces trois domaines, la Fondation Hewlett cherche à susciter des changements socialement bénéfiques et fondés sur des données à différents niveaux – du domaine EIP aux politiques et programmes spécifiques en question.

Comme nous l’avons mentionné en septembre, l’équipe EIP est actuellement en train de procéder à l’actualisation de la stratégie à travers un processus d’une durée d’un an.  Manifestation directe de l’engagement de la fondation en faveur d’une philanthropie axée sur les résultats, l’actualisation de la stratégie est effectuée tous les cinq ans afin de s’assurer que le travail de la fondation reste actuel, significatif et à fort impact. L’équipe EIP vient d’achever la première des deux phases de son travail : un « Regard en arrière », une réflexion sur ce qui a été accompli à ce jour par le biais d’une évaluation des subventions actuelles de l’équipe EIP, et un « Tour d’horizon », une vaste analyse du paysage pour comprendre les tendances actuelles dans le domaine de l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes.  Ce travail a duré près de huit mois et l’équipe EIP est très reconnaissante envers les nombreux bénéficiaires de subventions et les autres parties prenantes qui ont consacré leur temps et communiqué leurs idées pour alimenter ces deux documents.  Ces deux documents de la première phase sont désormais disponibles ici, et l’équipe EIP invite toutes les parties prenantes intéressées à les lire.  Ces deux documents étant achevés, l’équipe EIP va maintenant passer à la deuxième phase de son travail – le « regard vers l’avenir », ou la refonte de la stratégie elle-même.

Qu’avons-nous appris ?

La stratégie EIP actuelle est large et ambitieuse, ce qui rend une évaluation classique difficile à réaliser.

La stratégie EIP a été inspirée en partie par la participation de Hewlett à l’Initiative Think Tank², une collaboration entre 2009 et 2019 entre cinq bailleurs de fonds, qui a apporté un soutien à des institutions indépendantes de recherche sur les politiques dans 20 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine.  L’objectif global était de renforcer les institutions indépendantes de recherche sur les politiques dans les pays à revenu faible et intermédiaire afin de garantir que les résultats de la recherche informent et influencent les débats politiques nationaux et régionaux. La stratégie EIP actuelle s’inspire en outre d’un moment précis : la période entre 2010 et 2015 qui a vu la création des Objectifs de développement durable (ODD), alignant les acteurs du monde entier sur des questions et des cibles clés pour le développement mondial ; la révolution des données en plein essor apportant de nouvelles perspectives et approches à d’anciens problèmes politiques ; et l’attention croissante portée à l’importance de l’évaluation pour assurer une politique de développement efficace.  La stratégie EIP et son portefeuille de subventions ont été par conséquent délibérément élaborés de manière générale, en mettant l’accent sur la création d’un nouveau domaine, le renforcement des institutions et la promotion d’une culture de l’utilisation de données probantes.  Ainsi, de par sa conception, le programme n’a pas défini d’objectifs quantitatifs spécifiques mais a plutôt adopté l’approche d‘une mise en place sur le terrain en soutenant un large éventail d’institutions, de secteurs et d’acteurs, à la fois au niveau mondial et en Afrique.

En raison de cette orientation sur la réalisation sur le terrain, l’évaluation de l’ampleur et de la portée de l’octroi de subventions par la stratégie EIP a été difficile.  L’évaluation adopte par conséquent une approche essentiellement qualitative, en explorant les progrès réalisés dans huit domaines de résultats différents – de l’innovation et de la collaboration entre les institutions EIP à la croissance d’entités EIP en Afrique même, en passant par une meilleure connaissance par les décideurs politiques de la manière d’accéder à des données probantes et de les utiliser.

Malgré la complexité de la situation, des progrès ont été réalisés dans l’espace EIP, mais il est difficile d’opérer des changements systémiques.

Comme le montre l’évaluation, de nombreux progrès ont été réalisés : les institutions axées sur des données probantes, tant en Afrique que dans le Nord, ont des profils et des capacités beaucoup plus solides ; la façon dont les décideurs africains voient, apprécient et utilisent les données probantes a considérablement évolué ; et un écosystème de fournisseurs de données probantes de toutes sortes, qui arrive à maturité, établit des relations de confiance plus solides à la fois avec les décideurs mais aussi entre eux-mêmes.

Les fondamentaux continuent de poser un défi :  il est toujours nécessaire de renforcer les capacités de l’écosystème de l’élaboration des politiques au sens large.  Il est toujours nécessaire d’investir dans les infrastructures et les systèmes qui sous-tendent l’élaboration des politiques – les données pertinentes et les preuves en général.  Enfin, le conflit permanent entre la politique à court terme et l’utilisation de données probantes à plus long terme (et parfois politiquement difficile) des données probantes est toujours d’actualité.  Ensemble, ces facteurs entravent les progrès vers l’objectif à long terme d’une utilisation systématique, institutionnalisée et régulière de données et d’éléments probants pour éclairer l’élaboration des politiques.  En d’autres termes :  il existe de très nombreuses poches de progrès, mais il est difficile de les relier, de les voir s’étendre et de les pérenniser.

Malgré les défis, il existe également de nombreuses possibilités de renforcer l’impact d’EIP.

Comme le montre l’analyse du paysage, même s’il est difficile d’opérer un changement systémique dans le domaine EIP, les progrès évidents réalisés au cours des cinq à dix dernières années montrent que la possibilité d’avoir un impact reste forte.

À cette fin, l’une des principales conclusions de l’analyse du paysage est qu’il est possible d’établir des liens plus étroits entre ce qui était auparavant des silos distincts au sein de l’espace EIP, c’est-à-dire entre les intermédiaires de données probantes tels que les groupes de réflexion et les spécialistes de l’évaluation, d’une part, et la révolution des données et la communauté de la gouvernance des données, d’autre part.  De même, il est possible de relier plus intentionnellement le travail des bénéficiaires de subventions EIP à celui des espaces adjacents qui sont également soutenus par le Programme pour l’Equité de Genres  et la Gouvernance – comme la défense des citoyens et les données produites par les citoyens dans le cadre de la Gouvernance Inclusive, ou les données sur le genre dans le cadre du portefeuille pour l’Autonomisation Economique des Femmes.  En connectant et en reliant plus intentionnellement les bénéficiaires dans leur travail dans ces espaces, la réalisation sur le terrain est portée à son niveau ultérieur où, en fin de compte, la somme devrait être plus grande que ses parties.  Cette intersectionnalité sera un élément clé de la prochaine phase d’actualisation de la stratégie.

L’analyse du paysage a également révélé beaucoup de choses sur la demande concernant la manière dont les bénéficiaires EIP effectuent leur travail – à la fois en termes d’identification de types spécifiques et de modèles d’intermédiation des données, qui présentent un excellent potentiel de mise à l’échelle, et des manières dont des ressources philanthropiques souples peuvent être mobilisées pour débloquer des ressources plus importantes (et à plus long terme) pour des investissements plus importants dans les systèmes, les infrastructures et le renforcement nécessaire des capacités.  Par conséquent, le fait d’être plus intentionnel en matière de mise à l’échelle sera également un thème clé de la prochaine phase de travail.

Quelle est la prochaine étape du processus d’actualisation de la stratégie EIP ?

Au cours des prochains mois, l’équipe EIP partira des enseignements retenus de l’évaluation et de l’analyse du paysage pour poser des questions clés sur la stratégie actuelle et sur la manière de l’affiner et de la reconfigurer.  Il s’agira notamment de repenser fondamentalement les changements globaux que nous cherchons à opérer, l’objectif et la théorie du changement.  Les thèmes émergents pour la prochaine phase de travail sont les suivants :

  • Explorer les intersections entre le pouvoir, l’inclusivité et EIP : en tant qu’élément clé du processus d’élaboration des politiques, les données probantes constituent une forme de pouvoir. Les dynamiques entre ceux qui en disposent, ceux qui les utilisent (et ceux qui ne les utilisent pas) et ceux qui les interprètent sont autant d’exercices de pouvoir.  Le fait d’être plus conscient et intentionnel quant aux asymétries de pouvoir qui en résultent dans le cadre d’EIP devrait être un facteur important dans l’octroi de subventions.
  • Façonner la prochaine génération d’activités de développement d’EIP sur le terrain : le « champ » d’EIP (c’est-à-dire un espace distinct) est beaucoup plus solide et multiforme qu’il ne l’était au début de la stratégie actuelle. Il existe de grandes possibilités de mieux relier les différentes parties de ce domaine, ainsi que les domaines adjacents essentiels dans l’espace de l’Equité de Genres et la Gouvernance. Cela concerne non seulement les bénéficiaires, mais aussi les autres bailleurs de fonds. L’identification des opportunités d’impact les plus marquantes pour renforcer le domaine EIP grâce à ces connexions sera un autre domaine d’impact à explorer.
  • Faire des choix : comme nous l’avons mentionné, le portefeuille EIP actuel est très large en termes de secteurs, d’acteurs et de géographie (entre autres facteurs). Il s’agissait d’une décision intentionnelle dans la stratégie initiale.  Étant donné qu’il reste encore beaucoup de travail à accomplir et que le domaine EIP est encore quelque peu naissant, il est toujours nécessaire d’adopter une approche aussi large et opportuniste.  Il n’en demeure pas moins que l’équipe a également beaucoup appris et que l’espace a mûri dans plusieurs domaines et dans des pays spécifiques.  Par conséquent, il est également possible de faire quelques « grands paris » plus profonds, dans des parties plus définies du portefeuille EIP – peut-être dans des pays particuliers et dans un type particulier de données probantes ou de secteurs.  Cela impliquera toutefois également de faire des compromis dans l’équilibre des ressources entre les types d’institutions, de secteurs, d’approches et de zones géographiques à soutenir.

La Phase I de l’actualisation étant à présent achevée, le véritable travail va commencer, d’une certaine manière : donner un sens à ce qui a été accompli, à ce que nous avons entendu sur le terrain, à ce qui est le plus important à l’heure actuelle, et façonner tout cela dans un nouveau plan stratégique grâce à des discussions intensives sur les possibilités d’impact et les compromis, compte tenu du fait que les ressources resteront toujours limitées.  La Fondation Hewlett – et l’équipe EIP – accordent une grande importance à la transparence et à la consultation, et suivront ce parcours avec un large éventail de parties prenantes, y compris ses partenaires actuellement subventionnés.  L’équipe se réjouit de continuer à s’engager auprès de la communauté alors qu’elle entre dans cette nouvelle phase pour laquelle elle accueillera favorablement toutes les contributions.

 

[1] En juin 2021, le Programme mondial pour le développement et la population a changé de nom pour devenir Égalité des genres et gouvernance. Une réflexion sur le changement de nom est consultable dans ce billet de blog.

[2] L’Initiative Think Tank, mise en œuvre entre 2009 et 2019, est le fruit d’une collaboration entre cinq donateurs visant à renforcer les capacités d’institutions indépendantes de recherche sur les politiques dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.

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