Ce que nous avons appris d’une année de mise en œuvre de notre stratégie d’autonomisation économique des femmes

(Jonathan Torgovnik/Getty Images/Images of Empowerment)

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Notre stratégie d’autonomisation économique des femmes (Women’s Economic Empowerment – WEE) part du principe qu’une grande partie de la politique économique, si elle s’intéresse aux besoins des femmes, a tendance à se concentrer sur l’adaptation des femmes aux systèmes et aux structures économiques existants, plutôt que de chercher à modifier ces systèmes et à ces structures pour mieux répondre à leurs besoins.

Alors, comment modifier les systèmes et les structures économiques pour mieux répondre aux besoins des femmes ? Notre approche en matière d’octroi de subventions met l’accent sur le renforcement du champ d’acteurs travaillant à l’amélioration de l’élaboration des politiques au niveau macroéconomique¹ afin de mieux répondre aux besoins et aux aspirations des femmes (ce que nous appelons WEE-Macro) en Afrique de l’Est et en Afrique de l’Ouest. Il s’agit de promouvoir les politiques fiscales, sociales et du travail ayant un impact direct sur la vie quotidienne des femmes, notamment l’accès à des services de garde d’enfants de qualité et abordables, la reconnaissance de la valeur du travail non rémunéré et la garantie d’une protection sociale pour les travailleuses du secteur informel.

Le renforcement du domaine WEE-Macro commence par le financement des organisations qui travaillent déjà dans ces domaines. Il s’agit également d’encourager d’autres organisations et bailleurs de fonds à entrer dans cet espace, qu’ils adoptent une approche axée sur les droits de l’homme ou sur le développement économique. Enfin, il s’agit de partager l’apprentissage et d’accroître la collaboration entre ces différents domaines.

Plutôt que de soutenir un seul type d’organisation ou une seule perspective travaillant dans le domaine WEE-Macro, nous soutenons un éventail de parties prenantes différentes, en adoptant ce que certains pourraient appeler une approche de construction d’un « domaine » ou d’un « écosystème ».

« En adoptant cette perspective au niveau d’un domaine », comme l’a expliqué Ruth Levine dans son blog, Strength in Numbers : Taking a Field Level View (L’union fait la force : adoption d’une perspective au niveau d’un domaine), « le personnel du programme sait qu’aucune organisation, aussi impressionnante soit-elle, ne pourra faire en sorte qu’un grand changement puisse se produire et perdurer. Toute une constellation d’organisations, tant celles qui sont homologues que celles qui ont des rôles différents, est nécessaire ».

Un domaine est composé d’acteurs nombreux et différents

Certains des bénéficiaires de subventions soutenus par notre stratégie d’autonomisation économique des femmes sont des groupes de réflexion axés sur la réforme des politiques et désireux d’intégrer des considérations de genre dans leurs travaux de politique économique. A titre d’exemple, l’Africa Center for Economic Transformation (ACET) (Centre africain pour la transformation économique) travaille avec les gouvernements africains pour intégrer une perspective de genre dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de transformation économique. Grâce à son nouveau programme sur l’égalité des genres, l’analyse sexospécifique de l’ACET se concentre sur l’intersection des dynamiques de pouvoir sexospécifiques et de la formation et de la mise en œuvre des politiques économiques.

D’autres partenaires bénéficiaires sont des organisations de défense des droits des femmes qui abordent le programme WEE-Macro sous l’angle de la justice économique, du féminisme et des droits de l’homme. Des organisations telles que l’African Women’s Development and Communication Network (FEMNET) (Réseau de développement et de communication des femmes africaines) s’efforcent d’approfondir les connaissances et les compétences afin de s’engager et d’influencer les politiques macroéconomiques d’un point de vue féministe. Grâce à son African Feminist Macroeconomy Academy (Académie africaine de macroéconomie féministe), FEMNET rassemble des économistes féministes, des militants des droits des femmes et des mouvements de jeunesse en vue d’analyser, de remettre en question et d’influencer les politiques et les espaces macroéconomiques orthodoxes dans toute la région.

Les institutions financières internationales ou les organisations multilatérales, telles que la Banque mondiale ou le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), jouent en outre un rôle crucial en influençant la politique économique. Nous travaillons avec elles pour améliorer leur compréhension et leur volonté d’investir dans des approches visant à répondre aux besoins différenciés des femmes par le biais de politiques économiques au niveau macro. A titre d’exemple, l’initiative « Investir dans la garde d’enfants » de la Banque mondiale vise à développer des services de garde d’enfants de qualité et abordables dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Si la garde d’enfants n’est qu’un élément de l’économie des soins, elle constitue néanmoins un point d’entrée important pour un travail plus large sur l’agenda des soins.

Ces différentes parties prenantes ne sont pas toujours d’accord sur la manière d’aborder le travail, ni même sur les personnes qui devraient s’en charger. Elles peuvent se remettre en question et s’obliger mutuellement à mieux faire. Elles peuvent même parfois ne pas avoir conscience qu’elles travaillent sur des questions similaires. Mais le fait de travailler dans plusieurs domaines et d’encourager l’échange d’idées est important pour développer l’offre de solutions politiques et pour accroître la demande d’adoption de ces solutions. Tous ces acteurs du domaine WEE-Macro doivent être prêts lors de l’ouverture de créneaux politiques porteurs d’opportunités de changement. Cela n’arrive pas par hasard. Il s’agit du fruit d’un travail et d’une collaboration difficiles et méconnus en amont.

Faire en sorte que le mieux ne soit pas l’ennemi du bien

Le domaine WEE-Macro commence à se consolider, tant en termes de développement d’offre d’idées que de renforcement de la demande. Une cohorte d’organisations travaillant sur ces questions commence à émerger, dont certaines n’existaient pas il y a seulement quelques années.

Prenons l’exemple du Nawi-Afrifem Macroeconomics Collective, qui a commencé à s’atteler à la construction d’une communauté axée sur la déconstruction et la reconstruction des politiques et des récits macroéconomiques dans une optique féministe panafricaine intersectionnelle il y a trois ans, et qui se développe à pas de géant.

Le travail du collectif Nawi inclut une collaboration avec le Tax Justice Network Africa (TJNA) – un réseau d’organisations de la société civile africaine dont l’objectif est d’influencer et de remodeler la politique fiscale. Ils élaborent ensemble une initiative fiscale féministe panafricaine. La collaboration entre le collectif Nawi et le TJNA montre qu’il est possible de jeter des ponts entre ceux qui travaillent sur la politique macroéconomique dans une optique féministe et ceux qui interviennent dans des espaces de politique fiscale plus traditionnels, afin de renforcer le domaine WEE-Macro.

L’Africa Tax Administration Forum (Forum africain d’administration fiscale) – une plateforme intergouvernementale promouvant la collaboration entre les autorités fiscales africaines – s’efforce également de développer son Réseau de femmes dans le domaine fiscal. Cette initiative vise à favoriser le leadership des femmes dans l’espace fiscal africain et à promouvoir l’élaboration de politiques fiscales africaines susceptibles de contribuer à une plus grande égalité des sexes.

Nous sommes enthousiasmés par l’engagement accru des différents acteurs dans le domaine WEE-Macro et par les divers points d’entrée que nous avons observés dans ce travail de la part d’organisations axées sur le développement économique et d’organisations basées sur les droits humains, ainsi que dans des domaines de travail techniques tels que la fiscalité et l’économie des soins.

Des efforts en matière de communication, d’engagement, de collaboration, de partage d’’apprentissage et, en fin de compte, une multiplicité de voix devront s’exprimer pour encourager les décideurs politiques à commencer à adopter et à mettre en œuvre une politique économique au niveau macro qui réponde aux besoins et aux aspirations des femmes. Et nous n’en sommes pas encore là. Nous n’en sommes même pas proches. Mais nous avançons dans la bonne direction.

Ce mois-ci, deux importantes conférences axées sur le genre se tiendront en Afrique, offrant des opportunités inestimables aux divers acteurs et bailleurs de fonds travaillant sur les questions liées au domaine WEE-Macro de se réunir. La conférence de l’Association internationale pour une économie féministe (IAFFE), sur le thème Envisager des stratégies économiques féministes pour un monde équitable et durable, se tiendra du 5 au 8 juillet à Cape Town, en Afrique du Sud, à la fois en personne et virtuellement. Et la conférence « Women Deliver» se tiendra en personne et virtuellement du 17 au 20 juillet à Kigali, au Rwanda, avec une pré-conférence sur le Renforcement des politiques de soins et des mouvements intersectionnels pour la justice en matière de soins.

Les deux conférences offrent une plateforme pour apprendre l’une de l’autre, établir des passerelles et continuer à croître et à renforcer le domaine. Il est temps de mettre en place des systèmes et des structures économiques destinés à soutenir les opportunités, les aspirations et le bien-être des femmes.

 

[1] L’économiste féministe Stephanie Seguino a inventé l’expression « décisions économiques au niveau macro » pour englober les politiques au niveau macro au-delà de la définition traditionnellement plus étroite de la macroéconomie. Dans l’utilisation que nous faisons ici de la politique « au niveau macro », nous entendons les efforts de développement économique suffisamment vastes pour avoir d’importantes implications en matière de distribution et de bien-être au niveau agrégé ou à l’échelle de l’économie (par exemple, la fiscalité, les transferts, y compris la protection sociale, les dépenses publiques et les infrastructures, y compris les services de garde d’enfants).

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